L’employeur peut-il fonder le licenciement d’un salarié sur une conservation privée par messagerie personnelle ?
Cour de cassation, Assemblée plénière, 22 décembre 2023, 21-11.330
L’Assemblée Plénière dans un arrêt du 22 décembre 2023 est venue confirmer une jurisprudence établie en répondant par la négative :
« Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » (Soc., 3 mai 2011, pourvoi n° 09-67.464, Bull. 2011, V, n° 105 ; Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.058, Bull. ; Soc., 4 octobre 2023, pourvoi n° 21-25.421, Bull.).
Une conversation privée reste donc une forteresse imprenable sous une seule réserve : le manquement du salarié à ses obligations professionnelles.
Or, « une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique » ne peut être considéré comme un « manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail », en l’absence d’autres éléments de preuve.
En l’espèce, un intérimaire a remplacé un salarié en congé et a utilisé son poste informatique.
Il s’avère que le salarié en congé avait laissé son compte Facebook ouvert et c’est dans ce contexte que l’intérimaire a pris connaissance d’une conversation privée par messagerie Facebook.
Dans cette conversation, le salarié en congé insinue que l’intérimaire a été promu du fait de son orientation sexuelle commune avec son supérieur hiérarchique.
L’intérimaire a informé leur employeur et le salarié en congé a été licencié pour faute grave sur la base de cet unique élément.
La Cour d’Appel, suivant la jurisprudence constante évoquée plus avant, a écarté des débats cette conversation et, en l’absence d’autres éléments probants, a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’Assemblée Plénière de la Cour de cassation valide donc le raisonnement et consolide les frontières de l’usage possible devant le juge civil d’une preuve obtenue de façon déloyale.
Dans son communiqué, la Cour de cassation explicite sa position et cite un exemple de manquement à une obligation professionnelle qui permet d’utiliser une conversation privée comme moyen de preuve : « une conversation d’un salarié sur son compte Facebook peut justifier un licenciement disciplinaire s’il divulgue à cette occasion une information confidentielle sur son entreprise alors qu’il a signé dans son contrat de travail une clause de confidentialité ».