La preuve par l’employeur des heures supplémentaires est-elle libre ?
Précisément : L’absence de mise en place par l’employeur d’un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur le prive-t-il du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures accomplies ?
Cour de cassation, Chambre Sociale, 7 février 2024, n°22-15842
La Chambre sociale de la Cour de cassation a répondu par la positive dans un arrêt du 7 février 2024 publié au bulletin et c’est une décision logique qui prime la liberté de la preuve en matière d’heures supplémentaires que vous soyez employeur ou salarié.
Le régime du droit de la preuve en matière d’heures supplémentaires est donc égalitaire.
Rappel des principes en présence :
L’article 9 du Code de procédure civile dispose qu’ « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
Ainsi, en principe, la charge de la preuve appartient en général au demandeur.
Et bien pas en matière d’heures supplémentaires !
En effet, l’article L3171-4 du Code du travail dispose par ailleurs que :
« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
La charge de la preuve est donc partagée entre l’employeur et le salarié.
Cette répartition de la charge de la preuve des heures supplémentaires n’a rien de piégeux, au contraire, pour l’employeur dans la mesure où pèse sur lui une obligation générale de calculer les heures effectuées par ses salariés, lorsque ceux-ci ne suivent pas un horaire collectif.
Concrètement, cela se présente comme cela :
- La preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ;
- Toutefois, il appartient d’abord au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande et la liberté est de mise en la matière : relevés d’heures, courriels, agenda, témoignages ;
Une fois que le salarié a produit des éléments suffisamment précis, l’employeur est ensuite tenu d’y répondre et de fournir ses propres éléments de preuve.
Or, l’employeur a une obligation générale de contrôler les heures de ses salariés et notamment lorsqu’ils ne suivent pas un horaire collectif.
La question s’est donc posée de savoir si l’employeur pouvait bénéficier lui aussi de la liberté de la preuve des heures réalisées par ses salariés alors qu’il supporte l’obligation susvisée de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué.
La Cour de cassation dit oui et c’est heureux.
Les employeurs et les salariés sont égaux devant la preuve de l’heure supplémentaire :
« L’absence de mise en place par l’employeur d’un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures accomplies » (Cass. Soc. 7 février 2024, n°22-15842).
Liberté chérie !