L’employeur peut-il faire signer la convention de rupture conventionnelle le jour de l’entretien sans engager la validité de la rupture conventionnelle ?
Cour de cassation, Chambre Sociale, 13 mars 2024 n° 22-10.551
La chambre sociale de la Cour de cassation a répondu par la positive et s’appuie logiquement sur l’absence de délai légal à respecter entre la tenue de l’entretien imposé par le Code du travail et la signature de la convention de rupture conventionnelle.
« L’article L. 1237-12 du code du travail n’instaure pas de délai entre, d’une part l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, d’autre part la signature de la convention de rupture prévue à l’article L. 1237-11 du code du travail » (Cass. Soc. 13 mars 2024 n°22-10.551).
Les faits sont simples :
Une salariée a signé une convention de rupture du contrat de travail, qui a bien été homologuée par la DIRECCTE.
Cependant, la salariée a saisi le juge prud’homal afin de demander la nullité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, au motif que son consentement n’était pas libre et a été vicié en raison des conditions et du contexte particulier dans lesquels la rupture de son contrat de travail est intervenue, notamment en raison de l’absence de délai entre l’entretien et la signature de la convention de rupture.
Quid ?
Rappel des principes en présence :
Le Code du travail dispose que :
« L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. »
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties. » (L1237-11 du Code du travail).
« Les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister. » (L1237-12 du Code du travail).
« A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. » (L1237-13 du Code du travail).
Dont acte.
Dans le même temps, comme pour toute convention, le consentement du salarié à la rupture conventionnelle doit être exempt de tout vice du consentement c’est-à-dire dol, erreur ou violence.
Il peut en effet arriver que l’employeur puisse faire pression sur le salarié pour que ce dernier accepte la rupture conventionnelle (Cass.soc. 8 juillet 2020, n°19-15.441).
La rupture conventionnelle peut aussi être conclue suite à des manœuvres dolosives de l’employeur (Cour d’appel de Douai,14 avril 2023, n°20/01148).
Dernier exemple, la contrainte morale et économique peut se matérialiser par le fait, pour l’employeur, de ne plus donner de travail au salarié et de ne plus le rémunérer, forçat ainsi son consentement (CA Aix-en-Provence, 23 juin 2023, n°20/11838).
Dès lors, un délai suffisant ou raisonnable doit-il être respecté entre l’entretien imposé par le Code du travail et le jour de la signature de la convention de rupture aux fins de garantir « la liberté du consentement des parties » ?
Non !
D’une part, il est exact que le Code du travail ne fixe aucun délai.
Il porte une seule exigence : la tenue d’un entretien.
D’autre part, il sera précisé que les parties bénéficient, à compter de la date de la signature de la convention de rupture par les deux parties, d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.
De fait, le consentement de l’une et l’autre des parties est déjà protégé par un délai légal de réflexion et un délai supplémentaire entre l’entretien et la signature n’est pas jugé nécessaire.
Attention : Cela ne prive pas l’une ou l’autre des parties de faire éventuellement valoir que son consentement a pu être vicié.