Procédure pénale : Refus de restitution d’un bien VS Vie privée et familiale
Le juge d’instruction qui refuse de restituer un bien saisi doit-il contrôler que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionné au droit au respect de la vie privée et familiale ?
Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 février 2024, 23-81.336
La Chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu par la positive dans un arrêt du 7 février 2024 publié au bulletin.
Rappel des principes en présence :
- L’article 99 du Code de procédure pénale dispose qu’« au cours de l’information, le juge d’instruction est compétent pour décider de la restitution des objets placés sous main de justice» mais « il n’y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité » ;
- Dans le même temps, le respect de la vie privée et familiale est protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme : « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale».
En l’espèce, dans le cadre d’une information judiciaire, divers documents bancaires, un cahier de compte et une tablette de type Ipad ont été saisis au domicile de Madame [Z], épouse [X], et dans un immeuble appartenant à la société [PNO] dont l’intéressée est la gérante.
L’intéressée et la société [PNO] ont sollicité la restitution de ces biens.
Le juge d’instruction a rejeté cette demande et cette décision a été confirmé par la Chambre de l’instruction au motif que la non-restitution de ces biens était utile à la manifestation de la vérité.
Or, la décision de la Chambre de l’instruction ne contenait aucune explication « sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit au respect des biens de Mme [Z], et de la société [PNO] tiers aux poursuites, ainsi que sur l’atteinte à l’intimité de la vie privée, au regard tant de l’absence de lien démontré entre les objets saisis, insusceptibles de constituer l’objet ou le produit de l’infraction et les faits de l’enquête, en dépit tant de l’ancienneté de la saisie que de la situation personnelle de Mme [Z], à l’encontre de laquelle aucune charge, aucun indice ou présomption n’ont été réunis malgré les investigations réalisées pendant plus de trois années » (moyen soulevé par Mme [Z] et la société [PNO] au soutien de son pourvoi, Cass. Crim, 7 février 2024, 23-81.336).
Au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme précité, la Chambre criminelle de la Cour de cassation accueille favorablement ce moyen :
« Il résulte [de ce texte] que, lorsque cette garantie est invoquée, le juge doit contrôler le caractère proportionné de l’atteinte portée par le refus de restitution au droit au respect de la vie privée et familiale de l’intéressé. »
« Tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. »